Confinement, le jour suivant
Je sais bien que vous êtes restés enfermés aujourd'hui, guettant à la fenêtre une voiture passant, pour y apercevoir un autre être humain, inconnu. Je sais bien que vous avez collé votre oreille au plancher de votre salon, espérant entendre des bruits de voix de vos voisins du dessous. Je sais bien que vous avez sorti la poubelle malgré le fait qu'elle contenait uniquement le papier du boucher, et ce petit bout de fil à coudre contenant du polyester (du coup, vous ne pouvez pas le jeter par la fenêtre pour le nid des oiseaux), pour peut-être croiser un voisin dans l'immeuble.
Moi, aujourd'hui, je suis sortie. Environ 43 minutes. Vous aimeriez ça, savoir ce qu'il y avait dehors, hein ?
Alors, dehors, il faisait frisquet, ce matin, à 8h45, à Ambérieu en Bugey. L'écharpe n'aurait pas été de trop, malgré le beau soleil. Sur un trottoir, deux personnes attendaient devant une pharmacie fermée. Une dame en peignoir (!!!) promenait son chien. Une voiture de police passait sur la route déserte, à 2 à l'heure, en profitant pour me dévisager. Bien sûr, je gardai un air naturel et faisais comme si je ne remarquai rien, poursuivant ma route comme si j'avais tout à fait le droit d'être là, et c'était le cas, car j'avais dans mon sac une attestation.
Les arbres étaient en fin de fleurs. Au rez de chaussée d'un immeuble, une fenêtre était ouverte pour aérer. Sous la semelle de mes baskets, le sol (du goudron) était dur, ce qui faisait une sensation particulière à la marche, une petite secousse dans tout le corps à chaque pas. Les muscles du derrière des cuisses grinçaient un peu. Le coeur s'excitait. Le sac cisaillait l'épaule (idée : porter un sac sur l'épaule chez soi pour se souvenir de la sensation).
A mon arrivée chez la sage-femme, elle portait un masque FFP2, et il me semblait que c'était la première fois que j'en voyais un en vrai. Blanc, immaculé, muni de petits rubans pour l'accrocher de noeuds derrière la tête. Trop d'émotions.