J'aime énormément ce sentiment de vivre dans une cabane de plage. J'aime bien me faire croire que je ne suis pas là où je suis, penser tellement fort à un endroit que tout à coup, lorsque j'entends au loin la sirène de la police, je me dis "ah tiens, je suis à Bruxelles, pas à Fécamp ?".
Et donc, en ce moment, je suis beaucoup dans le Kansas, dans le Wisconsin, à De Smet ou à 60 km au nord d'Independance, parce que Couacman et moi, nous lisons la Petite Maison dans la Prairie. Nous sommes assis l'un en face de l'autre à la table de la cuisine, il sort son cutter et son balsa, je sors le gâteau au yaourt, les mugs, l'eau chaude et les sachets de tisane, et c'est parti, on s'envole pour la prairie. On sent la chaleur pesante, l'odeur du foin chauffé, on sent les herbes brûlées qui nous piquent les dessous de pieds, on trouve qu'il fait un peu sombre dans cette maison sous terre sans fenêtre, on a froid quand on se lave dans la bassine, et surtout, on se régale avec des galettes de maïs, du pain indien, du lapin, et du lard grillé.
Aujourd'hui, j'ai passé ma journée à attendre et je suis de fort bonne humeur. J'aime énormément attendre, en fait.
D'abord, j'ai attendu au centre administratif de De Brouckère, avec Couacman. Nous étions convoqués, et nous devions nous présenter entre 8h00 et 10h30. Nous nous sommes donc levés à 7h00, ce qui ne nous arrive jamais, sauf quand on part en vacances. Alors en petit-déjeunant dans le sombre, nous nous disions qu'il y avait un sentiment de vacances. Ensuite, nous nous sommes préparés en hâte et nous avons filé. Nous avons attendu 2h00 avant de voir notre tour arriver, on a regardé les gens passer, la buée sur la baie vitrée, le soleil qui se levait dehors, les guichets qui ouvraient et fermaient, le n°4 qui avait une cadence bien plus rapide que les autres. Les enfants faisaient connaissance et jouaient ensemble, bref, c'était le bonheur. On avait apporté des cartes postales, que nous avons écrites assis sur des bancs de chaises. Couacman a inventé une chanson qui disait "ça va pas vite, pas viite du tout pasvitepasvite du tooout", chantée façon comédie musicale.
Ensuite, nous sommes allés boire un café en face, on n'avait pas beaucoup de temps parce que Couacman devait déjà partir au boulot mais c'était bien quand même.
Et cet après-midi, j'ai attendu chez Actiris, dans le salon d'attente. J'étais bien. J'avais emmené mon carnet de croquis mais comme j'étais entourée de deux hommes, je n'ai pas eu envie de le sortir.
Le guichetier ressemblait à Joey, de Friends, et aussi au mari de la soeur de Couacman, et il m'a dit qu'il avait tout de suite deviné que j'étais française, à mon accent. J'aime bien rencontrer des gens qui me font penser à d'autres, qui plus est sympathiques, je me sens bien alors.
Je suis officiellement inscrite sur la liste des chômeurs belges, même si je ne suis pas vraiment chômeuse et que je ne suis pas vraiment belge. Par la fenêtre, il y avait un mur de briques blanches avec du lierre qui poussait dessus. La dame qui s'occupait de moi n'avait aucune offre d'emploi correspondant à mon profil à me proposer, elle était très désolée alors que bon, il ne fallait pas.