Comme je suis heureuse et à la fois tellement
Comme je suis heureuse et à la fois tellement malheureuse.
Comme je me sens punie.
Comme malgré la preuve scientifique que nous ne sommes pour rien à ce qui est arrivé à notre minuscule A., je n'arrive pas à me défaire de la sensation d'avoir mal fait, d'avoir loupé, d'avoir mal suivi la recette, de n'avoir pas su faire...
Comme je voudrais un bébé et en même temps je ne veux pas d'autre bébé qu'elle.
Comme j'envie mes amies enceintes, leur joie, leur épanouissement, leur légèreté.
Comme ce fut atroce de devoir choisir.
Comme nous ne voulions pas choisir.
Comme nous aurions préféré ne pas savoir, en fait.
Comme je ne regrette pas notre choix, et comme à la fois je le regrette complètement.
Comme ça m'a bouleversée d'apprendre que Philippe Katerine avait dû être opéré à huit ans d'une cardiopathie.
Comme c'est difficile de se projeter dans le handicap quand on ne connaît pas le handicap.
Comme on ne peut pas imaginer, malgré tous les témoignages possibles et imaginables recueillis.
Comme elle était belle, et ses doigts fins, et ses ongles microscopiques.
Comme ses cheveux, ses cils et sourcils étaient blonds-blancs.
Comme on peut avoir pris une si grande place, même seulement en quelques mois, en se manifestant juste par des petits coups, de l'intérieur.
Comme elle lapait le liquide amniotique, quand nous la voyions aux échographies.
Comme je veux revenir en arrière, qu'elle soit encore là mais qu'elle aille bien.
Comme je la veux, elle.
Comme c'est injuste.
Comme c'est une chance incroyable d'attendre un bébé qui va bien.