Alors voilà il est revenu. A l'avance, je me
Alors voilà il est revenu. A l'avance, je me demandais comment on allait faire pour se parler vu qu'on allait tous les deux avoir mille trucs à se raconter et l'impatience de les raconter. Finalement ça s'est assez bien goupillé cette histoire, on a rebondi comme des lièvres sur les paroles l'un de l'autre.
Au départ, quand il a frappé à la porte (il avait juste emporté la clef d'en bas) et que je lui ai ouvert, il y a même bien eu une minute (et peut-être même un peu plus) où on n'a rien dit du tout, où on s'est contentés de se regarder, des sourires jusqu'aux oreilles.
Il a perdu deux kilos (on ne peut rien lui confier) mais il a pourtant quand même réussi à cuisiner sur son réchaud, perdu en pleine nature. Il m'a montré des photos de couscous au miel et aux abricots, figues, raisins secs et dattes (et noix diverses + viande séchée épicée), en me disant que c'était super bon. Il a aussi mangé des tas de desserts anglais photographiés au préalable et qui m'ont fait baver sur le clavier. Il a vu l'immensité, il a goûté à la solitude profonde, il a traversé des rivières, a écrit dans des livres d'or de bothies, a discuté avec quelques personnes croisées. Il n'a pas trempé le bout de ses orteils dans la mer. Il a transformé la protection de pluie de sa tente en cape lorsque sa cape officielle s'est déchirée suite à un coup de vent. Il ne s'est pas perdu. Il a été bien, il a apprécié et visiblement dégusté le moment.
De mon côté, j'ai aimé la petite période aussi. Il m'a manqué, mais j'ai aimé me démmerder un peu, faire comme j'avais envie dans l'ordre dont j'avais envie. J'ai aimé choisir mes horaires, j'ai aimé comme lui que personne ne sache où j'étais quand j'y étais. Et même si j'ai été infiniment heureuse de le retrouver, ça m'a fait un léger choc de devoir revivre avec quelqu'un.
J'ai beaucoup aimé écrire ici tous les soirs et vous sentir là, comme autant d'oreilles attentives et bienveillantes. C'est bizarre à dire vu que je suis assise, silencieuse, derrière mon ordinateur, et que vous êtes assis, silencieux, derrière les vôtres, mais écrire ici m'a fait me sentir très entourée pendant ces seize jours. Alors merci.
Cette semaine, les étudiants avaient tous déserté mon job alimentaire, et je me suis rendu compte que je ne pouvais absolument plus assurer le travail toute seule. Là c'est vraiment trop fatiguant. J'ai encore trois semaines à tirer. Je suis entrée dans le huitième mois, l'autre jour. Ce n'est plus possible et je n'aime pas ce sentiment d'inefficacité qui m'a gagnée. J'arrive en forme le matin mais au bout d'une heure, je flanche, j'ai la tête qui tourne, les yeux qui se ferment, mal partout et le cerveau qui ne répond plus. Le bébé ne peut carrément plus du tout dormir, je le sens se mouvoir dès que je bouge un muscle de plus que celui de l'avant-bras.
Cette semaine, je l'ai imaginé différemment d'avant. Avant, dans ma tête, c'était une minuscule crevette, un bébé mais en miniature. Tout à coup, le sentant de plus en plus nettement trop serré dans moi, je me le suis figuré tout replié, replet, avec les yeux fermés au-dessus de pommettes épaisses et molles, comme deux plis rieurs. J'ai vu ses cheveux bruns collés sur son crâne par le vernix. Je crois qu'il a trouvé son prénom, aussi...
On a revu Milky-la-kiné qui m'a appris la respiration d'usage pendant le travail. la prochaine fois elle nous montre les positions à adopter, ensemble, pour avoir moins mal et que les choses avancent convenablement. C'est très bien...
J'espère que vous allez bien, à bientôt j'espère !