J. est mauvais perdant. Au point que souvent, il
J. est mauvais perdant. Au point que souvent, il rechigne à faire un jeu de société alors que nous, on est hyper enthousiastes. La première fois qu'il joue au jeu, il est hyper content, et puis une fois qu'il constate qu'il peut perdre à ce nouveau jeu, il ne veut plus jamais y jouer.
Voilà pourquoi ce matin, ça m'a rendu tellement heureuse qu'il me propose une partie de petits chevaux. En plus, ça tombe bien, il n'y a rien que j'aime tant que les jeux où il suffit de lancer le dé et d'avancer son pion, avec un peu de suspense quand même, genre ce jeu-là ou le Jeu de l'Oie.
Bref, hop, on a ressorti le magnifique jeu qu'il a reçu à Noël il y a quelques années, avec plateau en moquette verte et pions en bois qui glissent dessus en faisant "chhh".
Au départ, je ne faisais aucun 6 donc mes chevaux restaient à l'écurie, ça piaffait à tout va mais j'arrivais quand même à les contenir. J., quant à lui, avait fait un 6 et faisait donc allègrement le tour du jeu sans aucun obstacle, joyeux et rigolard de me voir toute enfermée dans le box des rouges. Il a carrément commencé à monter à l'échelle, en toute solitude et liberté.
Et puis voilà que je me suis mise à faire 6 sur 6, des 6 et encore des 6, si bien que tous mes chevaux galopaient crinières au vent, et les siens moyennement, même si lui aussi avait fait un 6 de plus, libérant un de ses étalons.
Et là, le drame, chomp, un de mes chevaux a mangé un de ses chevaux. Je pense que rien n'aurait pu lui faire plus de peine à ce moment-là, il a éclaté en sanglots, et s'est enfermé dans sa chambre en s'exclamant "puisque c'est comme ça, je boude !". Au moins j'étais prévenue.
Du coup, j'ai laissé la partie en plan sur la table et je me suis levée pour faire autre chose, et je pense qu'il devait avoir l'oreille collée à la porte parce qu'il m'a entendu me lever et il m'a crié "maman, reste assise, je boude juste trois minutes !". Bon.
La partie a donc repris, dans la joie et la bonne humeur, jusqu'à ce que malencontreusement, sans faire exprès, un de ses chevaux mange un de mes chevaux. Il était très content puis finalement, il a eu un élan d'empathie et il a trouvé ça épouvantable de m'avoir fait une chose pareille, alors il a fondu en larmes et il a claqué la porte de sa chambre en disant "je vais bouder !".
De mon côté, j'étais deg' parce que j'étais vraiment satisfaite de jouer aux petits chevaux, mais les cassures de rythme, ça me file des points de côté, donc j'avais envie que la partie reprenne au plus vite et sans heurts. J'ai réussi à le convaincre de revenir jouer.
Longuement (c'est long, une partie de petits chevaux), tout s'est bien passé. Il me mangeait, je le mangeais, à chaque fois il disait "chomp" alors moi aussi je me suis mise à dire "chomp" , j'ai cru qu'on avait passé un cap, limite. Sauf qu'à un moment, j'ai mangé son cheval qui attendait sagement en bas de son échelle, un 1 pour y grimper. Et ça, ça l'a tellement mis en colère qu'il a lancé ce qu'il avait dans la main, à savoir le dé. J'ai vu son geste, on a tous les deux attendu le petit bruit du dé qui tombe par terre, qui n'est jamais arrivé. On s'est regardés, interrogatifs. Il est devenu blême et m'a dit d'une minuscule voix "tu crois qu'il est passé par la fenêtre ?" et effectivement c'était possible, vu que sa place à table est pile en face de la fenêtre, qui était ouverte.
Du coup, on a vite mis nos sandales, heureusement j'étais habillée contrairement à lui qui était en pyj', mais il s'en fout d'être en pyj' dans la rue, ce qui n'est pas mon cas. On a dévalé l'escalier et retrouvé trois étages plus bas, notre dé au milieu de la route.
J'ai éclaté de rire en remontant l'escalier, ce qui n'était pas une bonne idée car lui ne trouvait pas la situation drôle du tout.
Du coup, une fois à la maison, il était tout à fait fâché contre moi, il s'est remis à pleurer, et J., pour le consoler, est venu lui annoncer qu'à midi, on mangeait du couscous avec des saucisses. Mais ce n'était pas une bonne idée du tout parce que les saucisses, c'est le truc que préfère manger J., et là il trouvait la journée tellement ratée à cause de cette partie de petits chevaux qu'il voulait repousser la dégustation de saucisses à un jour plus clément, ce jour-ci était trop pourri, il n'allait pas en profiter pleinement.
A force de câlins et de mots, il a fini par s'apaiser et on a pu finir la partie et j'ai gagné. Oh, my ! J'ai gagné ! Quelle erreur ! D'ailleurs, je le savais bien, mon dernier pion était dans l'échelle, attendant le 6 de la victoire, et en lançant le dé, je me disais "pourvu que je ne fasse pas 6, pourvu que je ne fasse pas 6". C'est le dévouement maternel (ou le désir de paix des oreilles).
Bref, re-drame, boudage, nez qui coule, plaques rouges sur les joues, difficultés de reprise de respiration. La totale (il y a des jours comme ça).
Heureusement, les saucisses étaient prêtes (et je soupçonnais une grosse faim chez cet enfant). Sauf que bien sûr, je lui ai proposé de la moutarde, il en a voulu, puis il a regretté, larmes ! Il a voulu plus de jus de couscous, je lui en ai servi, ça a noyé les saucisses, larmes ! Il voulait re-manger des saucisses dès le lendemain, on a dit non, re-larmes !
Alors on lui a dit d'aller se chercher un mouchoir dans le petit sac à mouchoirs qui est suspendu à la poignée de la porte du salon. Et là, incroyable mais vrai, il est tombé sur un chocolat de Pâques, caché et jamais trouvé, qu'on avait tous oublié. Fin des larmes.
Cet après-midi, en faisant la vaisselle, j'ai cassé sans faire exprès un de ses verres préférés. Même pas de larmes.
Tout le reste de la journée, nickel. Grâce à une poule en chocolat au lait.