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17 mars 2020

Confinement - jour 2

Ce qui est bien, avec la vie, c'est que c'est plein de rebondissements. Alors autant la journée d'hier était formidable, autant aujourd'hui c'était pas chouette du tout.
Au point qu'au dîner, j'ai demandé à Petit J. quels avaient été ses trois moments préférés et je pense que ma question nous a semblé à tous les deux saugrenue.
Moi j'ai mal dormi la nuit dernière, et lui aussi peut-être parce qu'il a passé une bonne partie de la journée à chouiner pour un oui ou pour un non... Bref, j'étais de mauvaise humeur et lui aussi. Nous étions tout à fait désaccordés. Dès le p'tit dej', il me faisait des MIAOU très forts dans les oreilles alors que je n'étais pas encore réveillée malgré les yeux ouverts. Mazette.
Bon, ensuite, il ne voulait plus faire école, il ne voulait pas écouter Maman les P'tits Bateaux (misère), il ne voulait pas se laver. Il voulait bien faire le pain (très bon ! Tiens, une réussite pour ce jour !), il voulait coudre le coussin d'allaitement.
Alors cet aprem', je lui ai montré comment fonctionnait la machine à coudre et il s'en est tiré comme un chef. Il a préféré la régler sur une vitesse très lente parce que comme le disait Maîtresse Céline, quand on va trop vite, on ne peut pas s'appliquer. Il était si fier et si ému qu'il souriait de tout son possible tout en cherchant à se cacher dans ma poitrine, tout en continuant à coudre. Ému de chez ému. Un rêve qui se réalisait. Heureusement qu'il y avait ça pour ce jour.

Je n'arrête pas de penser à la guerre, aux gens planqués sous des parquets, dans des annexes, dans des greniers. Je mesure notre chance, ce n'est pas la guerre, on peut ouvrir les fenêtres et s'y pencher, manger à notre faim, téléphoner comme on veut. On ne craint pas à ce point pour notre vie, il n'y a pas de bruit de missiles, et aucun aimé parti au front (enfin, peut-être les proches de personnel soignant ressentent un peu un truc comme ça ?). Comment tous ces gens ont-ils tenu bon, alors que même avec tous les privilèges de notre situation actuelle, c'est déjà vachement dur, je trouve ? Ce soleil, cet air chaud, et l'impossibilité d'aller crapahuter dehors comme on voudrait. Être ensemble tout le temps, avoir des difficultés à s'isoler franchement. Si vous avez un jardin, une terrasse, un balcon, la méga chance. Vraiment.

Je crois que ce qui va pouvoir faire du bien, ça sera vraiment de faire le vide dans la maison. Pour y avoir plus de place pour nous, pour y respirer, pour pouvoir mieux nous y déplacer. Oui, il va falloir faire ça.

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16 mars 2020

Confinement - jour 1

J'ai envie de garder trace de tout ce bizarre.

J'avoue, je redoutais ce temps sans école - d'un côté je me réjouissais pour Petit J. (école fermée pour une durée indéterminée : le RÊVE !!!), d'un autre, je me disais "zut, quand est-ce-que je vais bosser ?".
Dimanche, j'ai noté sur un papier des choses qu'on pourrait faire ensemble (garder contact avec les copains en leur écrivant des mails, écouter des trucs pour enfants à la radio, regarder un film tous les mercredis, prendre le temps de s'hydrater la peau le matin...). Et des règles que je me fixais à moi-même pour tenir le cap. Continuer de mettre mon réveil tous les matins (semblant de vacances infinies alors qu'on a du boulot = cafard absolu), continuer de me lever/laver/petit-déjeuner/faire la vaisselle sans traîner. Continuer la sieste en début d'aprem'. Au mieux, entièrement trier-ranger-nettoyer la maison. De toute façon, continuer de la tenir un minimum rangée-propre pour ne pas finir dépressive.
Continuer de bosser. J'ai eu une discussion avec Petit J. Quand préférait-il travailler les affaires scolaires ? Il préférait l'après-midi (le matin, il avait tendance à rêvasser, m'a-t-il dit). Ça tombe bien, moi je bosse vachement mieux le matin (moi, l'aprem', je m'endors). Je lui ai expliqué que j'allais donc être parfaitement indisponible 1h30 tous les matins, il a été parfaitement d'accord et miracle de la vie, aujourd'hui, en pratique,il a  parfaitement respecté ce temps, sans me déranger (il est venu me voir une fois pour me montrer le truc qu'il fabriquait en lego). Nickel. Demain, je tente de caser 1h30 de boulot l'aprem' aussi... Sait-on jamais...
Bon, par contre, j'ai prévu tellement d'activités qu'on n'a pas eu le temps de tout faire.
Ce que j'ai préféré aujourd'hui, c'était ce temps de travail presque inattendu (mais c'est un fait : mon enfant grandit). C'était le moment où on a écouté un podcast de Maman les P'tits Bateaux (ça m'a rendu infiniment heureuse que ça l'intéresse, qu'il soit attentif, qu'il réagisse à ce qu'il entendait, qu'il vienne me faire un câlin aux deux pauses musicales). C'était le moment où on s'est lancés ensemble dans la couture de mon coussin d'allaitement, épingler ensemble, discuter de la forme générale du truc, expliquer pourquoi on ne va pas mettre de la bourre classique pour coussin dedans (d'ailleurs : que mettre dedans ?), choisir ensemble les tissus - qu'on regarde ensemble des tutos pour apprendre à poser correctement des fermetures éclairs, qu'après ça je dise "bon, ça a l'air super compliqué je vais improviser" et qu'il me réponde "non mais Maman, fais comme elles, ce sont des professionnelles". Du coup, je me suis lancée dans une fermeture éclair avec "propretés", je ne savais même pas que ça existait, des propretés, ce matin.
Lui a préféré le moment où il a lu des Tom-Tom et nana dans son lit, le moment où on a fait de la couture ensemble, et le moment où il a bricolé sur Gimp.
J'ai moins aimé qu'il devienne intenable le soir au moment du dîner (la faute à l'absence d'activité physique j'imagine (on n'a pas eu le temps de danser (peut-être que demain on ira se promener ?... J'hésite...)).
Lui a moins aimé le moment "école".
C'était une super bonne journée.

4 octobre 2019

(j'ai hésité avant de publier ce texte, qui est

(j'ai hésité avant de publier ce texte, qui est très intime et très triste - mais j'avoue, ça me fait du bien de partager tout ça par ici. si vous n'avez pas envie de lire un truc triste, ne le lisez pas. je vous embrasse et vous remercie pour votre présence ultra réconfortante !)


J'ai tout le temps la sensation d'oublier quelque chose. D'oublier de faire quelque chose. Le soir, je n'arrive pas à aller me coucher, je tourne un peu en rond, comme si j'avais oublié d'accomplir un truc dans la journée, un truc qui pourrait pas attendre. Un peu comme si j'avais oublié de répondre à un mail super important, ou bien oublié de prévenir quelqu'un de quelque chose, et que ça allait avoir des conséquences. Alors le soir, je ne vais pas me coucher, je fais mentalement des listes, je me dis "c'est quoi ?". Qu'est-ce-que j'oublie, qu'est-ce-qui m'échappe ?
Et puis hier, j'ai réalisé, réalisé que ce que j'oublie, c'est de fabriquer le bébé. J'ai des espèces de sursauts, je me dis "le bébé !", comme si je me réveillais en sursaut d'un cauchemar dans lequel j'avais laissé mourir mon bébé, sauf que je ne dors pas et que je suis très consciente. Des fois, en journée, j'ai cette sensation poisseuse d'oublier un truc, puis ce sursaut, "le bébé !". C'est hyper bizarre mais je dois alors me remémorer, me re-raconter à moi-même ce qu'il s'est passé. Le sursaut me dit "il est mort !" comme si c'était parce qu'il avait été un jour né et vivant mais que j'avais omis de m'en occuper pendant trois jours, oublié dans un coin. Et puis j'ai une sensation très vive mais heureusement très brève de panique en pensant qu'il est effectivement mort, alors je dois me raisonner, et me réexpliquer pourquoi, pourquoi le bébé est mort, et pourquoi on a décidé ça. C'est une panique animale, de bête qui a perdu son bébé. Je comprends la vache à qui on retire son veau, je ressens comme elle. Il me manque un bout de moi. Je vis ma vie, je ris, je me sens heureuse, mais avec ma fille dans un coin de mon coeur et ces sursauts de panique, cette sensation permanente d'avoir oublié quelque chose, d'avoir oublié de m'occuper d'elle.
Ça doit être la suite du sentiment, à la naissance. Le sentiment d'amour qui t'envahit quand tu as ton bébé dans les bras. Mais ton bébé qui ne dort pas, ton bébé qui est mort. Ton bébé que tu admires, que tu renifles, à qui tu parles, sauf qu'une sage-femme vient te le prendre, à un moment. Tu retournes dans ta chambre sans ton bébé et tu es déchirée, arrachée, abandonnée.

12 septembre 2019

Hier, la médecin m'a fourni la photo de ses

Hier, la médecin m'a fourni la photo de ses chromosomes. Pas des chromosomes au hasard, de quelqu'un, photographiés un jour. Les siens. En noir et blanc, de mauvaise qualité, sur un papier très simple d'imprimante. On dirait des lardons. Ils sont numérotés. Au numéro 21, ils sont trois, et j'ai passé le trajet de retour en train à les regarder, ces trois 21, en me demandant si c'était vraiment trois fois le même, si ils se ressemblaient tant que ça, si l'un des trois n'avait pas été rangé à la mauvaise place. Du coup, presque, heureusement qu'il y avait le fémur court, la cardiopathie, le flou dans le cerveau, pour me confirmer les trois 21. Je pense ça et immédiatement en fait non, je ne le pense pas du tout.
Je regarde ces chromosomes, et c'est comme un petit signe d'elle, comme un coucou, un peu d'elle que je ne connaissais pas encore et que j'avais à découvrir. Un peu comme le roman de jeunesse de ton auteur préféré que tu découvres par hasard longtemps après avoir lu plusieurs fois tous ses romans (celui-là, il l'avait écrit sous pseudonyme).
Et mon coeur se pince, car là, sous les yeux, à travers ces chromosomes, j'ai tous les détails de cette petite fille, mais à part les trois chromosomes 21 et les deux chromosomes X, je ne peux pas lire, pas comprendre, je ne peux pas en savoir plus d'elle.
La médecin, c'est elle qui m'avait fait l'amniocentèse, et du coup j'ai la trouille de la revoir. Elle me dit qu'elle était sûre que la prise de sang s'était trompée, étant donnés mes très bons résultats au tri-test. Avant mon accouchement, plusieurs personnes m'ont déjà dit ça, et ça m'avait fait du bien, alors que là, ça me donne envie de pleurer.

Je me sens convalescente. Heureusement que j'ai du travail. Heureusement que maintenant que J. est à l'école primaire, je retrouve une copine à la sortie de l'école (même si elle est enceinte et qu'on a(vait) le même terme à trois jours près...).
Heureusement que J et J. Heureusement que le beau temps. Heureusement que les bons légumes. Heureusement que les amis. Heureusement que j'aime vraiment beaucoup la vie.

31 août 2019

Comme je suis heureuse et à la fois tellement

Comme je suis heureuse et à la fois tellement malheureuse.
Comme je me sens punie.
Comme malgré la preuve scientifique que nous ne sommes pour rien à ce qui est arrivé à notre minuscule A., je n'arrive pas à me défaire de la sensation d'avoir mal fait, d'avoir loupé, d'avoir mal suivi la recette, de n'avoir pas su faire...
Comme je voudrais un bébé et en même temps je ne veux pas d'autre bébé qu'elle.
Comme j'envie mes amies enceintes, leur joie, leur épanouissement, leur légèreté.
Comme ce fut atroce de devoir choisir.
Comme nous ne voulions pas choisir.
Comme nous aurions préféré ne pas savoir, en fait.
Comme je ne regrette pas notre choix, et comme à la fois je le regrette complètement.
Comme ça m'a bouleversée d'apprendre que Philippe Katerine avait dû être opéré à huit ans d'une cardiopathie.
Comme c'est difficile de se projeter dans le handicap quand on ne connaît pas le handicap.
Comme on ne peut pas imaginer, malgré tous les témoignages possibles et imaginables recueillis.
Comme elle était belle, et ses doigts fins, et ses ongles microscopiques.
Comme ses cheveux, ses cils et sourcils étaient blonds-blancs.
Comme on peut avoir pris une si grande place, même seulement en quelques mois, en se manifestant juste par des petits coups, de l'intérieur.
Comme elle lapait le liquide amniotique, quand nous la voyions aux échographies.
Comme je veux revenir en arrière, qu'elle soit encore là mais qu'elle aille bien.
Comme je la veux, elle.
Comme c'est injuste.
Comme c'est une chance incroyable d'attendre un bébé qui va bien.

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10 août 2019

Je crois que c'était pendant les vacances de

Je crois que c'était pendant les vacances de Pâques, avant tout ça.
J. était à Paris ou au boulot, et moi je restais à la maison avec J..
J'étais super fatiguée, du genre à m'endormir dès que je m'asseyais. J'avais des nausées terribles, provoquées par l'idée des poireaux, des oignons et du vinaigre, du porridge et du lard. Et je passais mes journées à penser à des poireaux, des oignons, du vinaigre, du porridge ou du lard.
Je lisais un livre de Ken Follett dans les bras de mon fauteuil de salon, j'étais tellement prise par ma lecture que j'étais au Moyen-Âge et je redoutais de me faire attaquer par cet atroce type dont j'ai oublié le nom mais qui n'avait qu'une idée, piller, tuer, violer, se venger.
J. s'était déjà pris de passion pour les restaurants et installait sur notre porte d'entrée son menu. De la quiche aux lardons, du porridge, ce genre de choses...
Il fabriquait mille fiches "plat du jour" avec les prix, à accrocher dans le restaurant avant chaque repas.
Je lui donnais un classeur et des pochettes transparentes pour ranger ses fiches, ce qui l'occupait à peu près 3 heures.
Et moi je lisais, par moments il me coupait et on discutait cuisine, restaurant. On a fait ça plusieurs jours, tous les deux bien sereins.
J'avais envie de vomir, mais j'étais bien, là, entre mon livre, mon fils, mon fauteuil et mon ventre.

5 août 2019

la blessure

Le 14 juin, j'avais mis ma robe noire avec des leggins et mes chaussures à pois. Il pleuvait et j'étais de mauvaise humeur, on devait passer chercher le pain au marché devant la gare avant d'aller à l'école, sauf qu'on était déjà en retard à l'école. J'étais en colère, sans trop savoir pourquoi, c'était ce genre de jours où on est mécontent alors que la veille ça allait et qu'on sait bien que le lendemain ça ira.

Sur le coup de 9h00, le pain était acheté, Jo déposé à l'école, finalement tout avait été, ça ne valait pas tant de mauvaise humeur. J'écoutais la radio, c'était l'heure de Boomerang. Il me semble que j'avais fini de faire la vaisselle, et qu'alors j'étais plutôt d'humeur dansante.
Et c'est là que j'ai reçu le coup de fil. Celui qui a fait basculer, trébucher, s'étaler ma vie sur le bitume. Je me souviens de mon téléphone posé sur la table, qui sonne, avec un numéro inconnu noté sur l'écran. Je me vois décrocher pleine d'enthousiasme, et aller m'asseoir, va savoir pourquoi, sur le lit de Jo. Je me souviens de l'homme qui se présente, et de son "malheureusement je vous appelle pour vous annoncer une mauvaise nouvelle". Je me souviens que j'ai tout de suite compris et qu'il a pensé que quelqu'un d'autre me l'avait déjà annoncée avant lui. Je me souviens de l'impact que ces mots ont eu sur moi avant même qu'il m'ait expliqué exactement de quoi il retournait, "malheureusement", "mauvaise nouvelle". Je me souviens de la façon dont j'ai senti mon coeur se liquéfier en moi. Je me souviens que j'ai pensé alors à la joie de Petit J. à l'idée de devenir grand frère. Je me souviens du flottement, après le coup de fil, du "mais non" répété en boucle dans ma tête. Je voulais que mon bébé aille bien. Je le souhaitais de toute mon âme.

Et puis après, comme si je tombais au ralenti, mes genoux déjà écorchés par l'annonce, c'était ma tête qui cognait par terre en allant faire l'amnioscentèse, c'était mon nez qui se brisait quand se fissurait la poche des eaux, c'était mon foie qui éclatait quand je passais la nuit à perdre du liquide amniotique allongée dans ce lit d'hôpital. C'était mes os qui se fracassaient quand je recevais ce nouveau coup de fil qui me confirmait le mauvais premier résultat. Et malgré tout ça, j'étais toujours vivante.

On mesure la gravité de ce qui nous arrive au fait que tout le monde se met à nous appeler par notre prénom. "Bonjour Elisabeth, comment allez-vous ?" me demandaient ce cardiologue, cette généticienne lyonnais, d'un air compatissant. Tout le monde se met à vous parler avec douceur. Tout le monde vous connaît, la secrétaire que vous n'avez jamais vue vous dit "ah, madame C. !" quand vous arrivez. Vous recevez des mails de sage-femmes qui vous proposent un contact avec une amie chère à leur coeur qui a vécu la même chose que vous. Votre sage-femme vous propose de passer au tutoiement et termine ses sms par "je t'embrasse".

4 août 2019

Mardi soir, en revenant chez moi, j'étais devenue

Mardi soir, en revenant chez moi, j'étais devenue errante. Je n'ai pas compris tout de suite ce qui m'arrivait, je passais de pièce en pièce comme si je cherchais quelque chose, sans bien savoir quoi. Je regardais dans tous les coins, j'inspectais mon bureau, je regardais dans les poubelles. Je ne m'asseyais pas, je marchais, doucement, en regardant partout. J'avais perdu quelque chose. Et puis j'ai compris que je cherchais des traces d'elle. Mais bien sûr, elle n'avait rien oublié en partant, elle n'avait pas perdu de cheveux, elle n'avait rien déplacé et rangé différemment de d'habitude.
Je cherchais des traces de ce qui avait été avant qu'elle ne soit plus là. Je voulais voir les épluchures de fruits que j'avais mangés avec elle, je voulais voir comment j'avais plié le linge avant, comme si je n'étais plus la même (je n'étais plus la même) et que je voulais voir comment faisait l'Elisabeth d'avant, pour ce genre de choses. Je buvais dans un verre lavé avant, enveloppée, rassurée, comme si c'était une maman qui l'avait lavé pour moi, donc forcément bien lavé, particulièrement bien lavé, comme je n'étais plus capable de laver.
Je pensais que l'endroit où elle était restée, l'endroit qu'elle avait bien connu, finalement, je le portais toujours sur moi. Je n'osais plus me toucher le ventre.
Je regardais par la fenêtre en me demandant ce que j'y voyais, avant. Et qu'avais-je regardé, remarqué, alors qu'elle était encore là ? Et tout me semblait bizarre, connu mais étranger, car elle n'était plus là, et que sans elle j'étais abandonnée et perdue.
Le voisin de derrière avait défriché son jardin, pour la première fois en presque 4 ans que nous habitons là, et je lui en voulais un peu d'avoir fait ça à ce moment-là, je voulais que rien ne bouge, que tout reste comme avec elle. La nouveauté était comme le paysage du train qui défile en vous séparant de plus en plus de celui que vous aimez, la nouveauté m'éloignait d'elle, c'était comme une petite trahison, comme regarder la suite du film sans elle.
Je trouvais des pêches et brugnons achetés au marché avec elle, en lui décrivant dans ma tête la beauté de l'étal.
Je re-reniflais ce petit bout de laine qui sentait elle, je re-regardais ces empreintes de ses pieds fins, je relisais les 5 mots de son bracelet de naissance. Je voulais la boire, la manger, l'ingérer, et j'avais si peu d'elle.

3 août 2019

le coeur

Je n'avais pas imaginé le bien que ça me ferait.
C'était son idée, il voulait exactement le même coeur brodé que celui que je lui ai bricolé, à elle.
Depuis la semaine dernière, depuis qu'il l'avait vu, ce coeur, il voulait le sien.
J'avais dit oui mais je ne l'avais pas encore fait, je crois que je n'avais pas calculé la puissance de cette minuscule broderie.
J'avais brodé un minuscule coeur sur un petit morceau de tissu blanc, doublé d'un petit reste de liberty à fleurs, dans l'idée de le mettre tout contre cette minuscule petite fille. Je pensais le faire pour elle, pour l'accompagner, pour lui dire encore et encore combien je l'aimais, et pour lui tenir chaud.
Et il s'est avéré que ce coeur allait nous soigner, nous accompagner, nous tenir chaud, à nous aussi. A lui, et à moi.
Ce matin, il a pleuré, il était triste, elle lui manquait. Il nous a dit que tout ça l'énervait.
Pendant le petit-déjeuner, il a réitéré sa demande que je lui brode le même coeur que le sien, celui qu'on lui a laissé, serré entre ses mains et son coeur.
Je n'avais qu'à moitié envie, mais j'ai dit oui, et ça l'a tout de suite rendu heureux. Je voulais l'apaiser, lui faire du bien.
Alors après ma douche, nous avons ressorti ma valise de tissus, il insistait sur l'importance d'utiliser exactement les mêmes, que nous avons retrouvés tout de suite sur le dessus, puisque le sien, je l'avais brodé il y a tout juste sept jours.
Il voulait que le petit rond de tissu blanc sur lequel j'allais broder soit exactement de la même taille, et heureusement, il restait le trou rond découpé dans le tissu la semaine dernière, pour avoir la même taille et même exactement la même forme de rond un peu ovale.
Il ne restait presque plus du fil à broder rouge, mais en utilisant tous les micros morceaux qui restaient, je suis arrivée au bout du coeur.
J'ai retrouvé l'aiguille de la semaine dernière, avec un morceau de fil encore dans le chas, piquée dans le revers de ma trousse à broderie, et j'ai pensé le coeur serré que la fois où je l'avais piquée là, il y a juste sept jours, elle était encore en moi. Je lui avais parlé en brodant, assise dans le fauteuil, pendant que mes J faisaient les courses.
Pendant que je brodais aujourd'hui, J s'inquiétait de savoir si je faisais bien parfaitement, exactement, tout à fait, comme pour elle. Oui, oui, le même fil, le même coeur, le même rond, les mêmes tissus.
Nous avons parlé du manque d'elle, de la chance qu'elle a eu d'avoir un si chouette grand frère, pendant sa si courte vie. Nous avons parlé du fait qu'ils étaient un peu reliés par leurs coeurs brodés, maintenant. Nous avons parlé des guilis qu'il lui faisait, à travers la peau de mon ventre. Nous avons parlé de pourquoi c'était important pour moi qu'elle soit incinérée avec son petit coeur brodé tout contre elle.
Et puis je lui ai expliqué comment nous avions choisi le prénom de cette si petite soeur, un prénom qui signifiait quelque chose pour nous et qui, je le sais, a signifié aussi quelque chose pour lui, ce matin, après mon explication. Ce n'était pas juste un prénom très très beau, c'était aussi un prénom qui parlait de confiture d'abricot et du moelleux du ventre de la mère.
Après ça, il était tout mou, tout souriant, calmé.
Ca lui a fait du bien, et c'était bien pour ça que j'avais accepté, ce matin, après le petit-déjeuner, de lui faire le même petit coeur brodé.
Mais je n'avais pas vu venir la paix qui m'a envahie moi aussi.

1 juin 2017

Je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie d'écrire

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Je ne sais pas pourquoi mais j'ai envie d'écrire un billet, en tout petit. Peut-être qu'après je n'aurais plus envie pendant six mois.
J'espère que tout le monde va bien chez vous. Nous allons bien.
Nous mangeons des tartes aux fraises avec de la crème patissière à la vanille et une pâte sucrée de Cyril Lignac.
Quand j'étais enfant, j'avais la nostalgie, la saudade peut-être même, de ma classe, des élèves, des instituteurs, à la fin de chaque année scolaire. J'étais enfant mais je crois que je me rendais parfaitement compte du temps qui passait, des gens qu'on a aimés mais qu'on ne reverra pas, et de l'inexorable course du temps (carrément !). Depuis l'adolescence, j'étais délivrée de ça, et puis tout à coup mon enfant va à l'école, et l'école est tellement géniale, la maîtresse tellement positive, drôle, intelligente, les élèves tellement mignons et sympathiques, ça y est, je la sens arriver la mélancolie... Je suis repartie pour un tour.
Hier, je suis tellement sortie de ma zone de confort, tellement plus que jamais, j'ai tellement tiré sur l'élastique qui m'y relie, je tremblais d'effort pour avancer malgré cet élastique qui me retenait, mon coeur ne battait pas à son rythme normal, je transpirais à grosses gouttes mais je l'ai fait, j'en suis sortie, et quand tout à coup est arrivé le coup de midi et que je me suis dit "je vais chercher Petit J. à l'école", j'ai sauté de joie, je me suis sentie décompresser en un instant, j'avais envie de danser, et j'ai comrpis que ma zone de confort, c'était eux.

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